Couvre feu lille

Il y a fort à parier que dans les jours qui viennent, les plateaux télé et les studios de radio s’emballent au sujet du couvre feu, en lançant des débats houleux et diverses polémiques. Audience assurée à moindre frais.
Essayons de prendre modestement du recul en posant une question de fond très simple. Quel processus amène à prendre une telle décision et comment sommes-nous informés, nous autres citoyens, des méandres de ce processus ?


Durée de lecture : 5 mn
Intérêt : énorme !
Photo de couverture : actu.fr


Les fondements d’une décision

Une seule interrogation est à la base de cet article : instaurer un couvre feu nocturne est-il la solution pour enrayer l’épidémie ? Voulant dépasser mon a priori (qui est plutôt « non »), je me suis attelé à essayer de comprendre pourquoi cette décision a été prise plutôt qu’une autre. Faisons-le ensemble.

La démarche est ici celle qu’aurait un scientifique, ou même enfant de 10 ans un peu curieux : poser des questions simples et concrètes jusqu’à remonter à la racine du problème…ou à de fâcheuses contradictions !

Voici quelques question qu’on est en droit de (se) poser :

  • Quel est l’objectif attendu ?
  • Sur quels faits cette décision s’est-elle appuyée ?
  • Quels scénarios ont été étudiés ?
  • Quelles conséquence pour chaque scénario ?
  • S’il y a eu d’autres scénarios, pourquoi ont-ils été exclus ?
  • Quelles sont les raisons qui ont abouti à cette décision ?
  • Comment cette décision a-t-elle été prise en pratique ?
  • Qui a participé au processus de décision ?
  • Combien de réunions ? Y a-t-il des comptes rendus ?
  • Qui a décidé ? M Macron seul ou une assemblée ?
  • Si les réponses à ces questions sont de l’ordre du secret défense, pourquoi ?

Toutes ces questions qui semblent ici naïves sont pourtant capitales et généralisables pour n’importe qui veut monter un projet et y faire adhérer.

Quelles informations sont à notre disposition ?

Visitons les sites officiels gouvernementaux, à la source des informations publiques, pour essayer d’avoir des réponses à ces questions.

Sur le site du gouvernement, la page dédiée au Covid-19 indique qu’un couvre feu va être mis en place pour faire « face à une situation sanitaire qui continue de se dégrader ». Suit alors l’annonce du couvre feu sans aucune autre forme d’explication.

Allons sur le site de l’Élysée. Une page propose la vidéo de l’interview du président assortie de quelques commentaires écrits. Face à des paroles politiques qui peuvent être auto-contredites impunément, attardons-nous sur les écrits. Il est indiqué que les services de réanimation sont « dans une situation de pression qui n’est pas soutenable pour nos soignants », que « le virus connaît une forte recrudescence ».

On comprend par ces mots que la situation sanitaire est délicate. De plus, tout le monde est d’accord pour que nos soignants travaillent dans de bonnes conditions. Acceptons ces faits.

Continuons à parcourir cette page. L’annonce de la mise en place du couvre feu est précédée par seulement deux paragraphes. Le premier indique que lorsque le virus « circule chez les plus jeunes, il finit inévitablement par atteindre les personnes plus âgées et plus vulnérables ». Ensuite, il est écrit que « pour contenir les conséquences […] qu’aurait un reconfinement demain, il n’y a d’autre choix que d’agir ».

Pas de réponse

Sur la base de ces éléments officiels, nous n’avons de réponse qu’à une question et demi, c’est tout. Celle de l’objectif attendu, parfaitement louable, que l’on devine comme étant celui de contenir l’épidémie et faire baisser la pression sur les soignants. L’autre réponse est celle des faits relatifs à l’état des lieux sanitaire. C’est en fait une demi réponse car cela nécessite d’aller soi-même à la pêche aux informations.

La conclusion des maigres informations facilement en notre possession s’impose donc à nous : pour que la situation sanitaire déjà grave n’empire pas plus, le couvre feu est la seule solution envisageable. Rien sur d’éventuels autres scénarios. Rien sur le processus décisionnel. Comme dirait l’autre, circulez y’a rien à voir.

Exigeons le « pourquoi » avant de nous demander « comment »

Et c’est bien à partir d’ici que le problème se pose pour les citoyens que nous sommes. Est-ce à nous de travailler pour expliquer et comprendre la mise en place de ce couvre feu ? D’une manière générale, est-ce à nous de faire ce travail pour n’importe quelle décision politique ?

Tant que nous sommes dans ce régime qu’est la démocratie représentative, la réponse est clairement non. Tant que les décisions seront prises par ces intermédiaires du peuple, nous devons exiger des justifications, d’autant plus pour des décisions conflictuelles et exceptionnelles. Si les explications données révèlent des incohérences, des conflits d’intérêt ou qu’elles sont tout bonnement absentes, là doit commencer la contestation.

Alors que la quasi totalité des discussions et de l’espace médiatique va prochainement être occupée par les questions (légitimes) du « comment » (Comment s’organiser ? Dois-je maintenir mon spectacle ? Comment voir ses amis ? Quelle attestation ? Quels motifs pour sortir ? Comment dédommager ?), il est temps de poser sérieusement les questions du « pourquoi ». En tant que citoyens, nous devons exiger cette transparence du pouvoir, au risque de tomber (si ce n’est pas déjà fait) dans une démocratie qui n’en a que le nom. Questionnons les fondements des décisions politiques plutôt que les conséquences de ces décisions. Soutenons les journalistes et les médias qui sont au coeur de ce combat, ceux qui poussent les décideurs dans leurs retranchements, parfois au péril de leur carrière.

La méthode de la justice au service du bien commun

Faisons un parallèle avec la justice car elle serait une belle source d’inspiration pour la prise de décision politique. Le code civil indique dans son article 1315 que « celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver ». En d’autres termes, la charge d’apporter des preuves appartient à celui qui réclame quelque chose. Le juge prend alors sa décision en fonction des preuves et faits apportés au dossier par le demandeur.

Imaginons être les juges chargés d’étudier l’opportunité du couvre feu. Pour éclairer notre choix, M Macron nous présente le maigre dossier ci-dessus. Notre décision serait vite prise : M Macron, faute d’éléments suffisants, votre demande est refusée. Si vous voulez avoir une chance que l’on accepte, revenez quand votre dossier sera suffisamment fourni. Cordialement.


Sources d’inspiration

Informations officielles au 15 octobre 2020
https://www.gouvernement.fr/info-coronavirus
https://www.elysee.fr/emmanuel-macron/2020/10/14/covid-19-interview

Au sujet des paroles contradictoires
https://www.lemonde.fr/climat/article/2020/09/16/les-citoyens-de-la-convention-climat-amers-apres-la-sortie-d-emmanuel-macron-sur-la-5g-et-les-amish_6052347_1652612.html

Article 1315 du code civil
https://www.legifrance.gouv.fr/codes/id/LEGISCTA000006136349/2011-04-01/

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