Quel article ambitieux. Quel titre éloquent. Que de risques à évoquer un si vaste sujet sans faire des erreurs ou enfoncer des portes ouvertes. Retour sur un texte entamé en 2006 et (in)achevé le jour même.
Voilà une occasion de prendre du recul sur ce modeste texte, 14 ans après son écriture. Notre société a-t-elle changé ? Comment prend-on profondément conscience des enjeux écologiques ? Les études supérieures permettent-elles d’y parvenir ?
Durée de lecture : 8 mn
Image de couverture : lactualite.com
Retour dans le passé
Nous sommes le 31 août 2006. Ma formation d’ingénieur terminée, je suis dans l’attente de la rentrée de mon Master, prévue deux semaines plus tard en région parisienne. Un avenir « brillant » s’offre à moi. Pourtant, la période est difficile.
D’autres préoccupations plus profondes traversent mon esprit. Je suis conscient depuis peu des enjeux environnementaux et de leurs conséquences sur l’avenir de notre société. En bon scientifique tout fraîchement diplômé, je me demande s’il n’est pas possible de croiser les données de tout ce qui fait le monde, de compiler les derniers écrits existants et d’imaginer l’avenir à long terme.
Je vous livre en l’état la première page et les chapitres prévus d’Essai sur l’avenir, le monde en 2050. C’est le fruit de ma première et dernière heure et demi de travail sur cet ouvrage qui n’est jamais allé plus loin. Jusqu’à ce jour de juin 2020.
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Première page
En ce jeudi 31 août [2006] à minuit et vingt minutes, je me décide enfin après quelques semaines d’hésitation et d’appréhension à écrire. Cela fait un certain temps que me trotte dans la tête une multitude d’interrogations sur l’avenir de notre planète, par inclusion celui de l’homme, et plus égoïstement du mien. Je ne saurais trop dire à partir de quand précisément ces questions sont nées dans mon esprit. Sans doute une multitude de petits évènements agissant sur l’inconscient qui sont finalement devenus une préoccupation permanente. Citons par exemple les émissions de gaz à effet de serre, l’épuisement des ressources, la surpopulation.
Tout le monde a maintenant entendu parler au moins une fois de « réchauffement climatique », de « fin du pétrole », le matin sur France Info pendant le mini flash, le midi au journal de treize heures, ou encore le soir entre deux publicité de son hebdomadaire préféré. Pour autant, j’ai l’impression d’être le seul à penser chaque jour pendant parfois une heure à ce que pourrait être notre planète d’ici dix, vingt, cinquante ans.
Je suis me suis rapidement orienté vers un avenir pessimiste – que j’ai pu retrouver en partie dans « L’humanité disparaîtra, bon débarras » de Yves Paccalet – fait de crises économiques, d’épidémies, de famines, d’évènements climatiques mondiaux incontrôlables, de guerres les plus atroce, où notre instinct nous conduirait à tuer pour survivre.
Ma formation à dominante scientifique m’a donné la volonté de toujours tenir un raisonnement logique et argumenté. Suite à cette envolée défaitiste, que je pense au fond de moi tout à fait probable dans cinquante ans tout au plus, j’ai pris conscience que je devais au préalable de répondre à certaines questions ou formuler des hypothèses réalistes avant d’aborder la vaste question du futur. Grand est le risque d’élucubrations. Les chercheurs appelleraient cette partie par l’expression grandiloquente « état de l’art ». Pour ma part j’aime beaucoup ces tournures venues de l’ingénierie telles « études préliminaires », ou « analyse de l’existant ». Tout ceci pour finalement dire qu’il est impossible de connaître le présent, a fortiori le futur, sans possession du passé.
Se dresse malheureusement un obstacle de taille : la grande faiblesse de la majorité des scientifiques est de n’avoir que très peu de connaissances en sciences humaines ; lettres et autres matières non ou peu scientifiques. Dans l’incapacité de défier la grande et puissante statistique, je me retrouve naturellement parmi cette majorité. Un travail bibliographique de taille s’impose : économie, sociologie, anthropologie, histoire, plus le suivi de l’actualité et la lecture de quelques romans d’anticipation.
Je ne sais pas encore où cette réflexion va me mener. Peut-être vais-je l’arrêter sitôt que cet ordinateur sera éteint. Peut-être trouverais-je la clé qui ouvrira toutes les portes. Le rêve est permis…
Sommaire
– Développement durable, décroissance et autres
– Économie de marché, société de consommation et épuisement des ressources
– La fin de notre société et de notre civilisation
– La question de l’aménagement, jusqu’où peut-doit-on aller
– Les anciens modes de vies
– Questionnement sur le progrès
– Sommes-nous la civilisation la plus dépendante qui n’ait jamais été
– Surpopulation, procréation, soins hospitaliers

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Pourquoi ressortir ce texte ?
J’ai retrouvé ce texte par hasard, à l’occasion d’un tri dans mes archives numériques. Je reconnais qu’il m’a fallu du temps, en juin 2020, avant de parcourir cette courte page, 14 ans après son écriture. Relire un de ses propres textes des années après est toujours une grande source de surprises. Cela peut révéler des changements de personnalité, raviver des opinions ou des pensées que l’on a plus. On peut aussi être déçu par le style d’écriture ou les raisonnements. À l’inverse, on peut y voir une image inchangée de soi même, une stabilité d’esprit.
Autant certains de mes anciens écrits ne méritent pas d’être ressortis des archives, autant, je n’ai pas hésité longtemps pour livrer celui-ci, aussi inachevé soit-il. Il révèle une préoccupation qui ne m’a jamais vraiment quitté depuis, qui se manifeste de manière plus ou moins forte en fonction des évènements de société et personnels.
Pourquoi ne pas l’avoir achevé ?
Étais-je atteint de solastalgie avant l’invention même de ce terme ? Étais-je un collapsologue avant l’heure, au même titre qu’Yves Cochet ou du célèbre Pablo Servigne ? Peu importe la réponse puisque mon texte n’a jamais ni achevé, ni publié (jusqu’à aujourd’hui).
La reprise des études, du travail, les évènements de la vie et surtout la difficulté de l’exercice ont rapidement eu raison de la suite de ce texte. Un travail colossal de compilation d’information, de vérifications, de simulations et d’interviews aurait été nécessaire. Combien de pages aurait-il fallu écrire pour y arriver ? 200 ? 400 ? 1000 ? Aurais-je pu y arriver seul ? L’édifice était immense.
Quels sont les obstacles à la prise de conscience de l’état du monde ?
Différencions tout d’abord la manière de prendre conscience de l’état du monde et de notre société occidentale basée sur la croissance économique.
Il y a d’une part la prise de conscience « légère », accessible à tout le monde : celle qui est relayée par les grands médias, souvent télévisuels et les versions numériques des journaux papiers. Le sujet est généralement traité de manière superficielle, abordable en quelques minutes, politisé et bien souvent opportuniste, au gré des actualités du moment. Le sujet est alors oublié le lendemain ou dans les pages qui suivent. La gravité de la situation est souvent minimisée ou éclipsée (par exemple par la croyance en la toute puissance salvatrice technologie). Par mimétisme, le lecteur ou l’auditeur oublie alors assez vite l’enjeu de fond du sujet initial.
La prise de conscience « profonde » provient de lectures longues d’articles de fond ou de livres. L’information est accessible bien souvent en ligne sur des médias alternatifs. Comme tout média, certains sont bien sûr orientés politiquement et d’autres restent factuels. Le point commun de toutes ces informations et de demander du temps de lecture et de digestion. Le volume conséquent de données peut aussi donner le tournis et faire naître de multiples émotions : désarroi, colère, peur, révolte, etc.
Le temps, celui qui nous manque tout le temps
Le manque de temps est un des obstacles principaux à la prise de conscience « profonde » des enjeux écologiques et sociétaux. Le temps que prend notre travail quotidien, le temps de se divertir, d’aller sur les réseaux sociaux, de s’occuper de son foyer, de prendre des vacances, de refaire la décoration de son salon, de dormir, de regarder la télé, etc.
Une fois tout notre temps pris pour ce quotidien, reste-t-il du temps pour se documenter sur ces sujets de fond ? S’il en reste, avons nous vraiment envie de lire leur contenu ? Le sujet étant au premier abord inquiétant (notamment si on a des enfants) ne préférons-nous pas faire l’autruche et vaquer à d’autres activités ?
L’enjeu de la prise de conscience est bien là : les multiples sollicitations que l’on reçoit pour occuper notre temps, les choix que nous devons faire et la concurrence entre nos activités. Nous sommes pourtant tous contraints par la limite des 24 heures dont nous disposons chaque jour.
Vous avez dit études « supérieures » ?
Si je considère être dans un état de conscience « profond » de l’enjeu écologique, c’est dû au hasard des rencontres et grâce à des recherches personnelles. Ironie de l’histoire, mes études « supérieures » ne m’ont apporté aucune connaissance sérieuse sur le sujet. Je maitrisais certes les constructions métalliques, le béton armé et d’autres domaines relatifs à l’aménagement du territoire, mais il me manquait une vision transversale de toutes ces disciplines.
Qu’est-ce qui fait que le monde d’aujourd’hui existe tel qu’il est ? Le développement durable existe-t-il vraiment ? Est-il raisonnable de construire de nouvelles routes ? Faut-il encore délivrer des permis de construire ? Est-on vraiment certain que quand le BTP va tout va ? Toutes ces questions n’ont jamais été abordées pendant le cursus de l’école d’ingénieurs. Les seules questions qui se posaient à nous étaient de résoudre des problèmes techniques et non de questionner l’existence même de ces problèmes. Est-ce bien sérieux ? Est-il normal que des ingénieurs chargés d’aménager le territoire, construire des villes, réfléchir à des réseaux de transport, ne soient pas un minimum conscients de l’état du monde ? Ou alors cette formation, comme toutes les formations « standard », n’est-elle pas justement faite pour servir le modèle de société existant ?
L’organisation de notre administration est le reflet du cloisonnement entre les disciplines qui font l’aménagement du territoire et in fine, notre société. Tous les organigrammes des collectivités publiques se ressemblent : une direction et des services ayant chacun en charge une thématique, parfois concurrente avec d’autres services : logement, aménagement, urbanisme, transport, environnement, déchets, social, agriculture, sécurité, risques, etc. L’organigramme de la nation est finalement le même puisqu’il est organisé par grands ministères thématiques et trop imperméables.
L’ouverture d’esprit comme salut
Si l’on est avide de comprendre profondément le monde qui nous entoure, la conclusion de cet article est qu’il est fondamental de prendre le temps, de diversifier ses sources, d’ouvrir ses horizons à de nouvelles lectures. Mais comment choisir ses lectures et ses sources d’inspiration ?
Il faut se méfier des opinions toutes faites et dogmatiques. Privilégions au contraire les raisonnements ouverts d’esprits, les faits et écoutons ceux qui acceptent de se tromper. Donnons du crédit à ceux qui changent d’avis ou reconnaissent leurs erreurs, d’autant plus s’ils expliquent pourquoi leur avis a changé.
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